Sortilèges et enchantement

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La cigüe - Belle Ombelle mais dangereuse

La grande ciguë est une plante herbacée bisannuelle de la famille des Ombellifères. Très toxique, elle était à la base du poison officiel des Athéniens et de la colonie phocéenne de Massilia  pour exécuter les condamnés à mort et les « suicides commandés ».
Quelques grammes de fruits verts suffiraient théoriquement à provoquer la mort d'un être humain (les ruminants et les oiseaux semblent être réfractaires, le cheval et l'âne y sont peu sensibles, mais elle est donnée comme poison violent pour les bovins, les lapins et les carnivores).
Chez l'homme, l'ingestion de ciguë provoque dans l'heure qui suit des troubles digestifs (surtout quand la racine est utilisée), des vertiges et céphalées, puis des paresthésies, une diminution de la force musculaire, et enfin une paralysie ascendante. Des convulsions et des rhabdomyolyses ont été rapportées, suivies d'insuffisance rénale pouvant entraîner la mort. Par contre, la mort par « paralysie respiratoire », relatée et relayée depuis la scène de Socrate, n'a pas encore été attestée par la toxicologie moderne pour la ciguë isolée, d'où l'hypothèse d'un mélange probable de ciguë, de datura et d'opium dans le poison de la Grèce antique (voir les excellentes observations du Phédon de Platon.
Le philosophe grec Socrate fut condamné à mort par ingestion d'une solution à base de ciguë en 399 av. J.-C.. Malade, Platon n'ayant pu assister aux derniers instants de son maître, a reconstitué la célèbre scène dans Phédon, d'après le récit de plusieurs disciples. Voici le passage décrivant les symptômes :
« Après avoir marché, il dit que ses jambes s'alourdissaient et se coucha sur le dos, comme l'homme le lui avait recommandé. Celui qui lui avait donné le poison, le tâtant de la main, examinait de temps à autre ses pieds et ses jambes; ensuite, lui ayant fortement pincé le pied, il lui demanda s'il sentait quelque chose. Socrate répondit que non. Il lui pinça ensuite le bas des jambes et, portant les mains plus haut, il nous faisait voir ainsi que le corps se glaçait et se raidissait. En le touchant encore, il déclara que quand le froid aurait gagné le cœur, Socrate s'en irait. Déjà la région du bas-ventre était à peu près refroidie lorsque, levant son voile, car il s'était voilé la tête, Socrate dit, et ce fut sa dernière parole : « Criton, nous devons un coq à Asclepios; payez-le, ne l'oubliez-pas. —Oui, ce sera fait, dit Criton, mais vois si tu as quelque autre chose à nous dire. » A cette question il ne répondit plus; mais quelques instants après il eut un sursaut. L'homme le découvrit : il avait les yeux fixes. En voyant cela, Criton lui ferma la bouche et les yeux. »
Ce récit nous apprend aussi que la préparation était réalisée extemporanément, en quantité précise pour « une dose mortelle », et devait être bue jusqu'à la dernière goutte. Le condamné devait marcher après avoir bu afin de favoriser la diffusion rapide des toxiques dans l'organisme. Les spasmes, les yeux exorbités et le faciès tragique des intoxiqués par la ciguë ne correspondent pas à l'état d'inconscience et de sérénité de Socrate dans le récit. Pour cette raison, on a avancé l'hypothèse que la boisson létale des Grecs contenait d'autres poisons comme le datura pour en renforcer la toxicité, et de l'opium pour en diminuer la conscience et neutraliser les convulsions.

Autrefois longtemps administrée par voie interne ou externe par de nombreux médecins, elle a été utilisée pour presque toutes les maladies, en phytothérapie comme en homéopathie. De récentes recherches en Ontario (Canada) tendent à présenter la grande ciguë comme la « limousine » des médications anticancéreuses.



28/03/2008
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