Le moulin du diable - alors, il va tourner ?? 2
Yvon, tout contrit, ne pipait mot en rentrant chez lui. Mais il finit par avouer à sa femme ce qu'il venait de conclure.
Son épouse se vêtit à la hâte et regarda par la fenêtre. Là, sous les pâles éclats de la lune, elle les vit : Les corps d'un noir d'ébène ployant sous la charge, les queues fouettant l'air, une centaine de diablotins vaquaient méthodiquement au délicat travail assigné par leur démoniaque maître. A coups de cornes ou s'aidant de leurs griffes acérées, ils descellaient les pierres une à une, puis les hissaient en haut de la colline et les réassemblaient. L'aube était encore lointaine et l'oeuvre était déjà aux trois quarts terminée.Le temps pressait...
La pauvre femme tournait dans sa tête cet horrible problème et soudain dit à son mari : - "Répète-moi mot pour mot les conditions de ton... pacte ? J'ai bien dit mot pour mot !"
- "Si, cette nuit, le moulin est entièrement reconstruit sur la colline, sans qu'il y manque une seule pierre, et ceci avant le premier chant du coq, l'enfant, qu'il soit garçon ou fille, appartiendra au Diable..."
Une idée lumineuse lui vint à l'esprit - "tout n'est pas perdu, dit-elle- elle se dirigea vers la cheminée et avec une paire de pincettes, elle prit des tisons encore rougeoyants, puis elle ouvrit la porte et à pas de loup se dirigea vers la meule de foin où elle déposa les tisons. La meule ne mit pas très longtemps pour prendre feu et se transformer en un grand brasier.
Réveillé par la chaleur et la soudaine clarté, le vieux coq, tout déplumé et qui n'y voyait guère, ne douta pas un seul instant que l'intense lumière de ce feu ne fut point celle de son bien aimé soleil. Il s'empressa de se dresser bien droit sur son perchoir favori et, fièrement, lança un, puis deux, puis trois stridents cocoricos.
A ce chant, la panique se répandit comme une traînée de poudre dans la laborieuse cohorte des diablotins. Ce fut une totale débandade ! Un sauve-qui-peut général ! La troupe infernale n'avait plus qu'une hâte : retourner à ses pénates.
Il restait une pierre, une seule pierre à poser... Le chant du coq rendait le marché caduc... Madame Kerbic revint à sa masure, prit la statue de la vierge et alla la mettre à la place de la dernière pierre.
Le démoniaque maître d'oeuvre, ne s'attendait guère à cet inattendu dénouement. Fort désagréablement surpris, il n'en revenait pas. On l'avait eu à son propre jeu... C'était tout bonnement inadmissible ! Il rentra soudain dans une rage folle mais il ne pouvait rien faire.
Pendant tout le reste de la semaine, une terrible tempête secoua la Presqu'île Guérandaise. Satan se vengeait à sa manière. Le vent fut si violent, que les collines avoisinantes furent arasées et le paysage transformé à jamais. Mais le moulin resta en haut de sa colline sans que rien ne puisse désormais l'empêcher de moudre tout le grain de la contrée.
Yvon devint meunier effectif, sous l'oeil attentif de son épouse qui continua, pour son plus grand bien, à le mener par le bout du nez. Les ailes du moulin tournèrent, tournèrent, rattrapant le temps perdu et la prospérité s'installa enfin dans la demeure des Kerbic.
la vierge dans le Moulin du Diable à Guérande
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